LE VICAIRE, BLAISE, AGNÈS, SA MIE et JUSTIN DEMIERRE.

Blaise avait le front humide de sueur. Il était tout pâle. Il semblait malade. Avant de passer chez sa mère pour finir les cartons, il voulait se rendre à l’église. Ne pas changer les habitudes. Les habitudes sont réconfortantes, rassurantes. Les habitudes endorment les esprits et évitent les questions. Il fallait qu’il organise les choses avec lucidité et intelligence, mais il ressentait de l’angoisse. Tous ces changements avaient eu pour effet de le fragiliser. Le déménagement. Vivre enfin seul, sans sa mère était une épreuve. Il devait penser à tout. Et en plus il devait encore penser à elle. Organiser son déménagement. Préparer les cartons. Répondre aux curieux qui s’inquiétaient pour elle.

  • Merde maman, tu fais vraiment chier. Maintenant, je dois tout faire ! C’est insupportable. C’est fatiguant.
  • Tu vas y arriver, mon chéri. Garde ton calme.
  • Comment veux-tu que je sois calme alors que tout le monde me demande de tes nouvelles.
  • Tu n’as qu’à faire comme on a dit. Je suis partie en France rejoindre ma famille et passer du temps en leur compagnie.
  • Je crois avoir dit que ta sœur avait un cancer.
  • Un cancer. C’est bien. Les gens sont compatissants avec la solidarité familiale.
  • Bon. J’envoie tes affaires dans un box à Aix. Comme ça, tu auras tes affaires à portée de mains.
  • C’est une excellente idée. Envoie-moi tout ce que je possède. Garde les meubles et loue la maison. Tu as ma procuration pour la banque. Tout va bien, mon chéri.
  • Oui, maman. C’est une excellente idée. Je me sens apaisé. 

Blaise se sentait mieux. Il respirait régulièrement, ses vêtements étaient propres. Il se tenait droit et son anxiété avait presque disparu. Il se sentait toujours mieux lorsqu’il parlait avec sa mère. Affronter le monde n’était pas chose simple, mais il se sentait capable d’y arriver. Il sifflotait tout en se rendant à l’autre bout de la rue. En arrivant devant l’église quelques personnes attendaient avant de s’introduire à l’intérieur. Il y avait Agnès et sa maman qui parlait avec le vicaire et il y avait aussi ce type qui le regardait droit dans les yeux. Blaise n’aimait pas ce type, comme s’il allait lui porter malheur.
Justin salua par un hochement de tête le vicaire, Agnès et sa mère et s’approcha ostensiblement de Blaise qui tourna la tête pour éviter de croiser son regard.
Le vicaire interpella Justin.

  • Capitaine, vous vous êtes installé dans le quartier.
  • J’aime bien le coin, Monsieur le vicaire, j’aime bien le coin.
  • Vous allez participer à la réunion ?
  • Si Dieu le veut.

Agnès prit la parole et s’adressa au capitaine Demierre.

  • Bienvenue, Monsieur. Nous sommes toujours heureux d’accueillir de nouveaux frères.

Justin hoche la tête, les mains dans les poches.

  • Oh vous savez Mam’zelle, moi j’ai pas de frère. Ni dans la foi, ni dans la vie.
  • Dans ce cas, vous avez vraiment bien fait de venir.

Apercevant Blaise, Agnès l’interpelle.

  • Oh Blaise, je suis contente de vous voir.
  • Merci. Moi aussi je suis content de vous voir. Vous allez bien ?
  • Oui oui. Et votre maman ? Comment va-t-elle ?
  • Le capitaine Justin Demierre s’approche en ajoutant :
  • Blaise ? Blaise Jacquet ? Vous êtes le fils de Rosemarie Jacquet ?
  • Bonsoir Monsieur… ?
  • Oh, excusez-moi. Il sort sa plaque et la montre à Blaise.
  • Capitaine Justin Demierre, gendarmerie cantonale. Bonsoir. Il fourre sa plaque dans la poche et ajoute. Alors comme ça, c’est vous le fiston de Madame Jacquet ?
  • Vous connaissez ma mère ?
  • Non, non. Jamais vue. Justement. J’aurais bien aimé la rencontrer.
  • Et je peux savoir pour quelle raison vous souhaitez rencontrer ma mère ?
  • Non. Vous pouvez pas.

La mère d’Agnès s’interpose entre les deux hommes.

  • Blaise, dites à votre maman que ça me ferait tellement plaisir qu’elle accepte de venir prendre le thé chez nous la semaine prochaine. Qu’en dis-tu Agnès.
  • Oui, Ma Mie. C’est une bonne idée. Vous pourriez l’accompagner Blaise et on pourra jouer aux cartes.

Blaise sent une bouffée de chaleur l’envahir. Comment se débarrasser de tous ces curieux ?

  • Oui, c’est une bonne idée et je suis sûre que maman en serait ravie. Malheureusement, elle est absente depuis 15 jours déjà et selon notre dernier échange téléphonique, elle va prolonger son séjour.
  • Oh comme c’est dommage. Vous êtes malgré tout notre invité, s’écria Agnès. N’est-ce pas ma Mie ? Blaise pourrait passer mercredi soir ?
  • Oui, mercredi c’est très bien, acquiesça sa mère. Vous n’avez qu’à venir pour 19h30 et nous partagerons un modeste repas avant de jouer aux cartes.

Blaise sourit poliment et déclina l’invitation.

  • Je regrette, mais cette semaine je n’ai pas une soirée de disponible. Nous en reparlerons à la prochaine réunion. En tout cas Mesdames, je vous remercie et transmettrais vos messages à ma chère maman.

Le capitaine Justin Demierre fouilla dans ses poches et en tira une carte de visite toute chiffonnée. Tout en la repassant avec ses gros doigts il dit à Blaise :

  • Faites donc ça. Transmettez à Madame votre mère les salutations de ses amies et pendant que vous y êtes, dites-lui de m’appeler à ce numéro.
  • Mais elle voudra savoir ce que vous lui voulez.
  • Elle aura qu’à me passer un coup de fil. Vous inquiétez pas jeune homme. J’lui veux pas de mal à votre maman.

Blaise mit la carte dans sa poche, salua en hochant la tête entra dans l’église et se dirigea directement vers le confessionnal.

Il s’agenouilla devant le grillage en attendant que le vicaire ouvre le portillon.

  • Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, dit le vicaire
  • Amen, susurra Blaise.
  • Ce type, le capitaine Demierre, il m’inquiète.
  • Moi aussi Benoît. Je crois que c’est moi qu’il veut. J’ai peur.
  • Il faut rester discrets. Ne m’envoie plus rien et détruis tous les CD que tu as. Il ne faut prendre aucun risque.
  • Compte sur moi et toi fais pareil. Tu détruis tout. Absolument tout.
  • Et ta mère ? Comment va-t-elle ?
  • Bien. Elle va bien. Qu’est-ce que vous avez tous avec ma mère ? dit-il visiblement irrité.
  • Doucement. Je te rappelle que tu es en confession.
  • Bon je sors.

38789205 - man praying in church

Sur le parvis, les autres attendaient leur tour pour entrer au confessionnal. En passant devant le groupe, Agnès lui sourit.

  • Bonsoir Agnès. 
  • Bonsoir Blaise. A bientôt.
  • Je m’en vais aussi, dit le capitaine Demierre. Bonne soirée à tous.
  • Vous partez sans aller vous confesser, capitaine ?
  • Ça s’rait trop long. Je vous laisse la place.

Tout en soulevant son chapeau en signe de  salutations, il emboîta le pas à Blaise.

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